Victor Verteneuil

1895 La Bouverie – 1973 Bruxelles

Picture of Victor Verteneuil as Siegfried
Victor Verteneuil as Siegfried

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Salammbô (Reyer): Matho

Picture of Verteneuil
The biography of Verteneuil has been researched and told in great detail by Claude-Pascal Perna of Musica et Memoria fame; it would be stupid to reproduce his exhaustive article here, but since it's available in French only, I'll write a short summary in English:

Like his father and brother, young Verteneuil was an enthusiastic amateur chorister. In 1911, he decided to study voice at the Conservatory of Mons, with Achille Tondeur, who thought him to be a baritone. When the Germans occupied Belgium on the outbreak of WWI, the whole Verteneuil family went to Paris, where Victor became a soldier, fighting through the entire war and thus interrupting his studies. After the war, he entered the Paris Conservatory, where the teachers found out that he was actually a tenor; but for lack of funding, he had soon to return to Belgium, where he found himself in dire economic conditions that made further studies next to impossible. In 1921, he managed to re-enter the Mons Conservatory nonetheless, this time as a tenor and in the class of Pharaon Houx, and he even returned to the Paris Conservatory for lessons with the famous baritone Léon Melchissedec.

After a few concerts in Belgium, he made his stage debut at the Monnaie on November 14th, 1925 as Jean in Hérodiade, and went on to build a repertory of dramatic roles; his singing made a good impression, his stage acting not so, until his acting abilities developed under the guidance of two colleagues, baritones Georges Dallemagne (stage name Dalman) and Roger Lefèvre. One of his most important achievements at the Monnaie was Calaf in the very first Turandot in French translation on December 7th, 1926. He remained a member of the Monnaie through 1930, but continued to appear there also in later years.

As a guest, Verteneuil sang all over Belgium, and from 1930 onwards also in France (mostly in smaller theaters, but also in Bordeaux, Lyon and Marseille), and became a particular favorite with the public of Toulouse. Other than that, he sang also in the Netherlands, Algeria, Morocco, and Monaco.

He quit the stage early, in 1937, and in 1942, he quit the concert podium, as well, and went on to teach voice for the next 20 years.


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Lohengrin

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Don José

Article on Victor Verteneuil from Pourquoi pas?, 27 June 1930

C’est devenu un truisme que de dire que le Borinage est la région productrice des belles voix en Belgique, comme la Thrace dans la Grèce antique. Des gens à l’esprit profond (profond de 800 à 1,200 mètres) vous affirmeront que cela tient à la poussière de charbon : c’est-à-dire qu’il suffirait d’élever un nourrisson dans une soute au charbon pour en faire un Caruso. Il est bien plus simple de constater que la beauté des voix masculines (car il ne s’agit que d’elles) dans le Borinage va de pair avec le vif sentiment musical et le gout du chant choral qui caractérisent la population indigène. Quand on n’a pas accoutumé de les entendre, on reste stupéfait devant la perfection matérielle, l'éclat, la vie intense, des exécutions obtenues par les chefs de ces orphéons composes d’ouvriers, souvent illettrés musicalement, de la conviction énorme qui s’en dégage. Il suffirait de relever le répertoire, d’étendre le chœur a voix égales au chœur a voix mixtes en formant, a cote des chorales d’hommes, des ensembles de voix féminines, pour rendre possible, dans la même région, l’exécution des plus grands chefs-d’œuvres de la musique. N’est-ce pas ainsi qu’a La Bouverie, commune de 8,000 (!) habitants, mais qui compte trois chorales de 150 membres en moyenne, M. le lieutenant De Ceuninck, chef de musique du régiment des Grenadiers, qui dirige la Royale Harmonie locale, put célébrer le 75e anniversaire de cette dernière par l’exécution, devant 2,000 auditeurs enthousiasmes, de la Neuvième de Beethoven, avec 250 chanteurs et chanteuses, l’orchestre réduit par lui en harmonie. (Et pendant ce temps, une autre société instrumentale du même patelin remportait un succès brillant au concours d’une ville voisine !) La musique et le chant répondent donc, ici, a des besoins locaux ; l’art vocal est une plante indigène, comme le tabac sur les bords de la Semois ; M. Joseph Prudhomme ne manquerait pas de dire que les petits Borains sucent la belle voix avec le lait maternel. Aussi le Borinage exporte-t-il du charbon et des chanteurs. Inutile d’évoquer la réputation mondiale, presque cosmique, de M. Ansseau, ni la brillante carrière parisienne de M. Dufranne. Tous deux ont, naturellement, commencé leur carrière au théâtre de la Monnaie, qui, présentement, doit encore au Borinage M. Richard, ainsi que M. Verteneuil, duquel il nous plait de vous entretenir aujourd’hui.
Nous venons de parler de la mémorable exécution de la Neuvième a La Bouverie. Ajoutons que le quatuor solo etait compose de Verteneuil (Mme Josy) et Mertens, de MM. Verteneuil et Richard. Et disons tout de suite que c’est à La Bouverie même que Victor Verteneuil vit le jour trente-cinq ans auparavant, en 1895.
Son père etait un modeste ouvrier mineur (vous voyez, l’influence du charbon !), qui faisait partie de l’Union chorale, dirigée par M. Arnould. Le jeune Victor en etait également, non comme ténor, mais comme baryton (il parait que l’accent local a pour effet de déformer la voix ; la grande préoccupation des professeurs de chant du Conservatoire de Mons est de corriger ce défaut). Le père Verteneuil, très fier de l’ampleur et du timbre vocaux de son fils, se montra résolu à faire tous les sacrifices pour lui permettre d’utiliser son talent, et c’est ainsi qu’en 1911, Victor entra au Conservatoire de Mons, classe de Tondeur, dont il sortit en 1914 avec un premier prix... comme baryton.
La guerre... Le père emmène sa famille en France et, des septembre 1914, Victor Verteneuil, qui a dix-neuf ans, s’engage à la caserne de la Nouvelle-France, à Paris, d’où on l’envoie à l’instruction à Dieppe, pour l’incorporer aussitôt après au 2e régiment de Chasseurs à pied de l’armée belge. Déjà en mai 1915, il est blessé devant Dixmude. Transporte à Bout bourg, puis à Rouen et à Dieppe, enfin guéri, il reprend aussitôt du service, cette fois au 2e de Ligne. Il fait bravement toute la campagne, sans autre incident. Apres l’armistice, il s'en va en Rhénanie avec son régiment. Il est libéré en juillet 1919.
Pendant la campagne, Victor Verteneuil n’avait pas cessé de chanter, bien que sa voix fût, comme on dit au Borinage, « descendue dans les talons ». Il s’était fait entendre à diverses reprises dans les concerts organises pour relever le moral des gars, et même à l’impromptu quand l'occasion s'en présentait, notamment en 1915, une nuit qu'il etait de garde en première ligne, dans le fameux « boyau de la mort ». Il etait deux heures du matin ; pas un coup de fusil, ni de canon. Les hommes avaient le cafard. Le sergent dit à Verteneuil :« Chante-nous quelque chose. » Notre artiste s'installe à l'abri d’un paraballe et entonne l’air du Roi de Lahore. Les Boches, qui etaient a moins de vingt mètres, profitaient, eux aussi, du concert, qu'ils écoutèrent sans l'interrompre. Pendant plus de deux heures, Verteneuil épuisa son répertoire. Vers 5 heures, le major lui envoya ses félicitations, donnant en même temps ses ordres pour un bombardement de torpilles qui commença aussitôt et qui se poursuivit sans interruption pendant toute la journée.
Après sa libération, Verteneuil entra – pas encore au théâtre, mais dans l'industrie de... la chaussure, comme coupeur. Il ne songeait pas encore à chausser le cothurne et s’occupait à fabriquer celui des autres. Envoyé par son père au Conservatoire de Paris, il n’y resta pas, faute de ressources suffisantes, revint en Belgique, fit une courte apparition au Conservatoire de Bruxelles et rentra à celui de Mons, ou il remporta un nouveau premier prix... cette fois, enfin, comme ténor Après quoi, il retourna à Paris et suivit pendant quelque temps le cours de Melchissedec. – Enfin, il touchait au but.
Un beau jour, en effet, Verteneuil eut l’idée d’écrire à la direction du théâtre de la Monnaie pour solliciter une audition, qui lui fut accordée. Une seconde audition suivit, qui fut concluante. Engagé en janvier 1925. Il ne débuta toutefois que le 14 novembre de la même année, dans le rôle de Jean d'Hérodiade, après qu’on l’eut fait travailler dur pendant dix mois. Son succès, on le sait, fut spontané et décisif. L’art lyrique belge comptait un représentant de plus.
En juillet 1927, Verteneuil épousait une jeune artiste, également bien douée, brillante pianiste et soprano au timbre très sympathique, que l’on applaudit à la Monnaie sous le nom de Mme Josy. Un jeune ménage charmant, tendrement uni. Un cas à citer aux braves gens qui, vivant loin du monde des théâtres, ne se représentent ceux-ci que comme des antres de perversité, alors qu’on y trouve (à côté, naturellement, d’autres choses) tant d’exemples de sentiments délicats, d’amitiés profondes, de dévouements absolus, et aussi, des premiers rôles jusqu'aux figurants, de ces ménages solidement unis qui pourraient servir d’exemples a bien d’autres, de l’autre cote de la rampe... Pour revenir à l’association matrimoniale Verteneuil-Josy, il n’est pas douteux que, comme dans bien des cas analogues, Mme Verteneuil ait exercé la plus heureuse influence sur le développement du talent de son mari, tel que nous l’avons vu s'épanouir dans son active carrière des dernières années.
Active, en effet, si l’on se souvient des ouvrages nombreux et divers ou le public bruxellois applaudit l'ancien baryton en rupture de clef de « fa », devenu fort ténor. Allons-y de notre petite statistique: Hérodiade ; Fierrabras de Schubert (création) ; le Prophète ; Samson et Dalila ; Turandot de Puccini (création) ; Cavalleria rusticana ; Salammbô; le Trouvère ; l’Anneau nuptial de Marsick (création) ; Salomé ; Aida ; la Walküre ; Dèbora e Jaéle, de Pizzetti (création) ; Siegfried ; le Crépuscule des Dieux ; Carmen ; Paillasse ; Boris Godounow ; la Tosca ; Ariadne de Strauss (création en français) ; Tannhäuser : soit en tout vingt et un rôles, dont quatre du répertoire wagnérien.
A présent, Victor Verteneuil nous « plaque », si nous osons dire ; il nous plaque, l'ingrat, appelé par notre grande sœur latine. A la fin de la saison, il s’en ira au Grand Opéra de Toulouse et à l’Opéra de Monte-Carlo cueillir de ces lauriers qui relèvent plus particulièrement, on le sait, de la flore, méridionale, agrémentés d’appointements sérieux, en francs français.
Le genre de talent de Victor Verteneuil est familier aux habitués de la Monnaie, qui l’apprécièrent déjà sous tant d’aspects différents. Une bien jolie voix, claire, étendue, bien conduite et payant comptant. Un gaillard solide, bien découplé, harmonieusement proportionné. Malgré ces avantages physiques, son jeu fut longtemps embarrassé. L’artiste acquittait la rançon de sa belle jeunesse. Mais ses progrès à ce point de vue furent rapides et continus. Chose, curieuse, ses lacunes à ce sujet le servirent dans une de ses incarnations les plus méritoires, celle de Siegfried dans les deux dernières journées de la Tétralogie. On avait vu dans ce rôle l'admirable ténor hollandais M. Urlus. Tout de même, le grand artiste, si merveilleux, si complet dans Tristan, marquait quelque peu son age dans ce rôle tout de pétulante jeunesse. Ici, M. Verteneuil était particulièrement bien à sa place ; un reste de gaucherie non feinte conférait à ses étonnements, à ses attitudes interdites, à ses violences on ne sait quoi de primesautier et de naturel que l’art de M. Urlus n’arrivait plus à leur donner. Quand, à la fin de Siegfried, tombé en arrêt devant Brunnhilde endormie, il découpait les liens de la cuirasse protégeant la vierge guerrière, la terreur que lui inspiraient ses découvertes anatomiques ne paraissait pas jouée. Quand, dans le Crépuscule, il apparaissait en armes, beau comme un jeune dieu, sur le rocher au bas duquel barbotaient les ondines, on comprenait sans peine que ces humides personnes, si cruelles pour Alberic, lui adressassent des œillades. – Peut-être, quand nous serons très vieux, Victor Verteneuil nous reviendra-t-il, nouvel Urlus, charge d'ans, d'expérience et de gloire ; et, fouillant dans notre mémoire, nous nous souviendrons obscurément du « Jung Siegfried », de cette année jubilaire.

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Résurrection (Alfano): Dimitri

Victor Verteneuil sings Pagliacci: Me grimer
In RA format

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Hérodiade: Jean

Victor Verteneuil sings Hérodiade: Ne pouvant réprimer

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Calaf

Victor Verteneuil sings Cavalleria rusticana: Ô Lola, blanche fleur

Repertory

Hérodiade – Brussels, Monnaie, 1925–30
Fierrabras (Schubert) – Brussels, Monnaie, 14 January 1926
Samson et Dalila – Brussels, Monnaie, 1925–30
Turandot – Brussels, Monnaie, 12 July 1926
Le prophète – Brussels, Monnaie, 1925–30
Salammbô – Brussels, Monnaie, 1925–30
L'anneau nuptial (Marsick) – Brussels, Monnaie, 3 March 1928
Aida – Brussels, Monnaie, 1925–30
Faust – Brussels, Monnaie, 1925–30
Salome – Brussels, Monnaie, 1925–30
La Walkyrie – Brussels, Monnaie, 1925–30
Debora et Jaele (Pizzetti) – Brussels, Monnaie, 23 March 1929
Siegfried – Brussels, Monnaie, 1925–30
Tannhäuser – Brussels, Monnaie, 1925–30
Carmen – Brussels, Monnaie, 1925–30
Ariane à Naxos – Brussels, Monnaie, 17 March 1930
Tosca – Brussels, Monnaie, 1925–30
Paillasse – Brussels, Monnaie, 1925–30
Boris Godunov – Brussels, Monnaie, 1925–30
Cavalleria rusticana – Brussels, Monnaie, 1925–30
Le trouvère – Brussels, Monnaie, 1925–30
Le crépuscule des dieux – Brussels, Monnaie, 1925–30
L'Africaine – Toulouse, Capitole 1931
Sigurd – Toulouse, Capitole 1931
Lohengrin – Toulouse, Capitole 1931
Tiefland – Brussels, Monnaie, 7 November 1932
Henri VIII – Brussels, Monnaie, 14 October 1935
Quo vadis – Brussels, Monnaie, 1936
Kaatje (act 4) (Buffin) – Brussels, Monnaie, 1937

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Tiefland

Discography
Ultraphone, Paris ca 1930
15278 L’Africaine (Meyerbeer): Air de Vasco AP 385, A 50008, Samaritaine S 403 15290 Cavalleria rusticana (Mascagni): Sicilienne AP 384, 50009, Samaritaine S 402 15292 Hérodiade (Massenet): Air de Jean E 50006 15294 Paillasse (Leoncavallo): Me grimer AP 385, A 50008, Samaritaine S 403

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I wish to thank Richard J Venezia for the recording (Pagliacci).
The other recordings, some of the pictures, the newspaper article as well as the discography have been provided by Christian Torrent, who has also sent me the link to Perna's essay on Verteneuil: thank you!
Reference: Les grandes voix du Hainaut, à l'Epoque du 78 tours., Belgium, 1985.
Richard T. Soper: Belgian opera houses and singers, The Reprint Company, Spartanburg, South Carolina, 1999.
Most pictures have been copied from Claude-Pascal Perna, as above.

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